Tourisme
Le château de Guédelon en Bourgogne, un chantier unique
En forêt de Guédelon dans l’Yonne (Bourgogne) se dresse un château fort, unique au monde, au cour d’une ancienne carrière. Le château de Guédelon est en fait relativement récent : chaque jour, de nombreux ouvriers bâtissent un peu plus cette forteresse, véritable défi, en utilisant les méthodes et les matériaux utilisés au 13ème siècle !
Koifaire a rencontré pour vous Florian Renucci, maître d’ouvre du château en charge du suivi technique avec le comité scientifique de Guédelon et de l’exécution des plans du château, pour en savoir un peu plus sur ce défi hors du commun.
• Koifaire : Bonjour Florian Renucci, pouvez-vous nous présenter en quelques mots le château de Guédelon ?
Florian Renucci :
Bonjour, à Guédelon nous construisons le château-fort qu’un petit seigneur local aurait pu faire construire ici, en Puisaye, sous le règne de Louis IX, pour en faire sa résidence.
Le contexte historique local le rattache à Jean de Toucy, vassal du roi de France : Cette influence capétienne lui fait prendre pour modèle les châteaux philippiens qu’il connaît et fréquente : Yèvre le châtel, Dourdan , Laval, Angers, Saint Fargeau, Druyes les Belles Fontaines, Ratilly…
© Christian Duchemin – Vue Sud-Est
• Koifaire : D’où est née cette idée un peu folle de bâtir un château fort du 13ème siècle ?
Florian Renucci :
Le projet de construire un château devant des visiteurs pour comprendre le patrimoine a été imaginé et réalisé par Michel Guyot et Maryline Martin, passionnés d’architecture et attachés au territoire de la Puisaye.
Le défi est double : Construire avec les techniques du XIIIème siècle en utilisant les matériaux du site et faire que le chantier s’autofinance par les entrées.
A ce titre Guédelon est un produit touristique culturel unique.
Château de guédelon… en 1997 !
• Koifaire : A-t-il été facile d’obtenir toutes les autorisations nécessaires quant à sa construction ?
Florian Renucci :
Comme toute construction, le château a fait l’objet d’autorisations multiples et d’un permis de construire réalisé par Jacques Moulin, Architecte en Chef des Monuments Historiques.
• Koifaire : De nombreux ouvriers travaillent sur le chantier. Qui sont les ouvriers de Guédelon ?
Florian Renucci :
Sur le chantier, en tenue de travail inspirée des enluminures médiévales, on peut trouver trois catégories d’artisans :
L’entreprise emploie en moyenne 70 salariés dont une quarantaine en CDI et une trentaine en saisonnier : ce sont les piliers du chantier, ils détiennent les savoir-faire, forment et communiquent. Les visiteurs passionnés par le projet peuvent participer au chantier pour un séjour d’une semaine, ce sont les bâtisseurs. Les stagiaires et groupes de jeunes qui s’initient au bâti ancien.
Travail au château de Guédelon
• Koifaire : Les techniques d’antan nécessitent sans doute un savoir spécial. Comment les ouvriers, et vous-même, avez acquis ce savoir ?
Florian Renucci :
Le chantier illustre la transformation d’un site naturel en matériaux de construction avec des moyens rudimentaires. C’est l’aventure des matériaux et des hommes.
Quatre filières sont représentées: La pierre, le bois, la terre et le fer. Pour chacune d’elle, il a fallu apprendre à lire les matériaux premiers et retrouver leur processus de transformation avec les outils utilisés à l’époque.
Or, plus personne aujourd’hui n’équarrit le bois à la doloire ou n’ouvre des rochers avec des coins métalliques. Sur plusieurs années et dans tous les métiers, la recherche a consisté à perfectionner les gestes à partir de sources ethnographiques, en conservant ce qui marche et en écartant ce qui ne marche pas.
Sur des milliers d’heures les méthodes ont été éprouvées, elles ont pris de l’efficacité, sont devenues des techniques puis des réflexes constructifs.
• Koifaire : Comment avez-vous su exactement quels matériaux et techniques fallait-il utiliser pour respecter les procédés d’autrefois ?
Florian Renucci :
Tous les ouvrages sont réalisés à partir de modèles archéologiques. L’enjeu est de les reproduire à l’identique en prenant en compte les modes opératoires de fabrication.
Un comité scientifique regroupant des spécialistes de la fortification et du chantier nous communique des données liées à l’architecture du XIIIème siècle. Par exemple, nous avons procédé à des analyses de mortiers sur le château voisin de Ratilly.
Nous reproduisons ce même mortier en mélangeant de la chaux grasse avec les remblais sableux du site. Du coup le château de Guédelon est le seul chantier de construction à utiliser un mortier qui a le même comportement physico-chimique que les mortiers médiévaux.
© Guédelon – Vue du logis
• Koifaire : Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez en ce qui concerne la construction du château et/ou le respect de ces procédés?
Florian Renucci :
Les seules difficultés sont de mettre entre parenthèse nos réflexes du XXIème siècle.
En 1999, obéissant aux réflexes de la taille de pierre en monument historique, nous avons passé beaucoup de temps à tailler de belles pierres d’escarpe de la tour de la chapelle, avant de nous rendre compte que l’aspect de taille à Dourdan ou Ratilly est simplement éclaté.
En limitant la finition à un aspect broché éclaté, nous avons multiplié par 3 la production des pierres et démontré que choix de l’aspect de taille est lié à l’économie de chantier.
• Koifaire : Pouvez-vous nous en dire plus sur ce qui a déjà été réalisé ?
Florian Renucci :
En 15 ans de chantier, les escarpes, le logis sont terminés, la tour maîtresse a atteint 20m, la tour de la chapelle et les deux tours d’angle sont en cours.
Après la fin des tours, il restera à finir les courtines et le bâtiment du châtelet avec sa herse, qui devra cumuler tout le savoir-faire des tailleurs, maçons, charpentiers, forgerons.
Coupole réalisée la saison précédente
• Koifaire : Vous travaillez en collaboration avec des historiens et des scientifiques. Qu’apprenez-vous les uns des autres ?
Florian Renucci :
Les historiens et scientifiques étudient des murs qui ont traversé les siècles.
Leur travail est d’interpréter le bâti en proposant une chronologie.
Ils n’auront jamais accès à la vie du chantier, aux intentions de construction, aux solutions de chantier qui peuvent engendrer des formes d’ouvrage à part entière.
Guédelon leur fournit à la fois des choix de construction, des stratégies de mise en ouvre et les traces qu’elles laissent : c’est une grille de lecture anthropique.
• Koifaire : Le grand public peut découvrir aisément le chantier. Pourquoi avoir rendu cette expérience aussi accessible à tout un chacun ?
Florian Renucci :
Le grand public se pose des questions de bon sens sur le patrimoine médiéval et trouve des réponses concrètes à Guédelon : Comment sont accrochés les échafaudages, en combien de temps on taille une pierre, quel poids lève une cage à écureuil ?
Le chantier de Guédelon est devenu un site de médiation du patrimoine qui met l’humain au cour de l’architecture.
©Guédelon – Visiteurs enfants sur l’atelier terre
• Koifaire : comment se déroule une visite au château de Guédelon pour les personnes désireuses d’en savoir plus sur le château ?
Florian Renucci :
Tous les visiteurs ont accès aux différents ateliers de production où ils dialoguent avec les ouvriers, ainsi qu’aux salles achevées du château.
Pour les enfants, des ateliers pédagogiques sont proposés en continuité avec la construction: Ils peuvent apprendre à tailler des blocs de pierre tendre, réaliser des instruments de mesure en atelier géométrie, mouler et décorer des carreaux de pavement en terre crue. En venant avec leur école ils peuvent découvrir le site par le parcours des métiers.
Pour les adultes, les visites réservées à partir du site internet présentent tous les aspects du chantier qu’ils visitent librement après.
Des dates d’animations sont proposées sur le site internet : réductions de fer par bas fourneau, cuisine médiévale, rencontre avec le maître d’ouvre …
©Guédelon – Visiteurs enfants posant des questions à un tailleur de pierre
• Koifaire : Qu’est-il prévu pour cette année en termes de construction ?
Florian Renucci :
Nous travaillons cette année sur les deux tours d’angle qui vont monter chacune d’un niveau, sur la tour maîtresse, dont les maçons élèvent la dernière la salle de plan octogonal et sur des aménagements intérieurs de planchers, portes, enduits, badigeons et peintures murales.
• Koifaire : Qu’est-ce que vous apporte, à vous ainsi qu’à vos ouvriers, le fait de savoir que vous êtes en train de relever un défi hors norme ?
Florian Renucci :
Le plaisir d’être dans une aventure humaine où toutes les recherches, les trouvailles, les émotions liées à la construction, sont des instants partagés en commun.
Maîtriser la transformation des matériaux premiers et créer une documentation inédite sur la mise en ouvre du bâti ancien.
Communiquer cette aventure avec les visiteurs en transformant leur regard sur le patrimoine.
• Koifaire : Quand pensez-vous que le château sera fini ?
Florian Renucci :
Le gros ouvre devrait être, comme prévu, quasiment achevé en 2025, mais au fil du temps, l’arrivée de nouveaux ateliers de transformation des matériaux du site comme la production de verre, ou la fabrication du mobilier, peut encore prolonger l’expérience.
Estimation du château de Guédelon en 2025
• Koifaire : La construction d’un autre château sera-t-elle ensuite envisagée ?
Florian Renucci :
Nous n’attendons pas que le château soit fini pour construire la suite : Une série de moulins hydrauliques alimentés par l’étang de Guédelon seront installés à 500m en contrebas.
Depuis 2012, en partenariat avec des archéologues de l’INRAP, les charpentiers fabriquent un premier moulin à grain. Les autres moulins banneaux seront liés à la métallurgie.
Il sera possible dans quelques années, à deux heures de Paris de voir fonctionner chantier de construction et moulin hydraulique, faisant de Guédelon un site d’interprétation majeur du patrimoine.
• Koifaire : Souhaitez-vous dire quelque chose en particulier à nos internautes ?
Florian Renucci :
A bientôt sur le chantier !
Un grand merci à Mr Renucci pour avoir répondu à nos questions, et un grand bravo à toute l’équipe du château pour la réalisation de ce défi hors normes !
Le château est ouvert du 18 mars au 5 novembre 2013.
Il se situe sur la départementale 955, entre Saint-Sauveur-en-Puisaye et Saint-Amand-en-Puisaye. Pour en savoir plus :
– Site web du château
– Fiche Koifaire du château
Note : Toutes les photos proviennent du site http://www.guedelon.fr
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